Nouvelle – Un crime parfait – ( Suite de 1 et 2, et fin )

 –

Un soir, c’était en août. Apolline et moi cheminions  le long du quai désert au bord du fleuve. L’air était doux et sentait bon le sable chaud. J’étais allé le matin même chez le coiffeur. J’avais le cheveu très court, presque ras, coupe para pas très prisée à l’époque. J’avait fait mon service dans les parachutistes après que toute mon adolescence durant ma mère m’emmenant chez le coiffeur me faisait littéralement rasé. Nous étions pauvres. Au collège l’on me moquait, le tondu ! m’insultait-on. 

   Apolline n’a pas aimé du tout.  » Pourquoi as-tu fait ça ?  » m’a-t-elle questionné, sévère. Donc ma tête ne lui revenait pas et ça la gênait de s’afficher avec une boule à zéro ! J’aimais bien pour ma part passer ma main sur ses seins ronds et bien agréables. Je pouvais comprendre son désagrément, son irritation même de ne pouvoir passer sa main dans mes cheveux.

    J’avais aussi pu constater, du moins au toucher – elle m’avait assez vite autorisé à glisser ma main sous sa jupe et sous son slip – qu’elle se rasait la chatte, à l’époque ce n’est pas un mot que l’on osait dire, autrement dit elle se rasait le pubis et avait le poil dru quand il repoussait et que je sentais sensuel érotique sous mes doigts.

Mon cœur ne lui était donc qu’accessoire me dis-je. Elle ne m’aimait pas, me désirait, c’était sexuel chez elle. Elle m’avait déjà bien contrarié avec Colette cet autre soir …. Je suis même certain que j’ai connu Colette bien avant elle. Elle prit ma non réponse par défaut ou mon indifférence du moment pour une ignorance crasse et me prit pour un illettré.

    Ce soir elle m’entreprenait sur un nouveau registre de notre relation, elle n’aimait pas les cheveux courts. A l’époque les cheveux courts pour les garçons n’étaient pas mode du tout. Les filles n’aimaient pas les cheveux courts pour les garçons. Elle m’a vexé de nouveau, elle venait de nouveau de m’humilier. Je l’aimais mais ça commençait à bien faire. Mais je lui ai proposé de prolonger la promenade et l’ai emmenée jusqu’au bord du quai sur le port. Nous parlerions, sa contrariété s’estomperait.

Il était bien vingt trois heures, la lune était haute et pleine et s’alanguissait en se coulant sur le fleuve.

Je n’ai jamais trop su ce qui s’était passé. L’on marchait le long du quai épaule contre épaule. Nous nous étions soudain enfoncés dans un silence malheureux, peiné, que nous ne parvenions pas à rompre. Elle était côté fleuve, vraiment au bord du quai. A un moment, je me suis écarté d’elle pour bien la regarder pour lui dire, captant son regard, avec mes yeux :  » Apolline, pourquoi m’as tu fais ça ? mes cheveux vont repousser je te promets que je ne recommencerai plus « .

Elle était au bord du quai, je me suis avancé vers elle, je voulais la prendre contre moi, je l’aimais, elle a reculé, j’ai eu peur j’ai dit Apolline ! elle s’est reculée encore et c’est là qu’elle est tombée dans le vide, dans le fleuve. Elle a crié, j’ai vu ses yeux effarés, ses jambes sous sa jupe, un bruit, le corps qui bute dans l’eau avant de s’y enfoncer, qui fait plouf, un geyser. Il y a eu des remous. J’aurais pu plonger. J’ai crié, j’ai fait des gestes avec les bras. Elle coulait, remontait, dérivait. J’ai eu peur. Il n’y avait personne alentour. Je paniquais, elle montait, remontait puis a coulé emportée loin déjà.

 Je n’ai pas plongé. C’eût été insensé dans ce grand fleuve noir et rapide. J’ai regardé autour de moi, personne, j’ai attendu, personne, le fleuve poursuivait son cheminement vers l’estuaire. Je suis quand même allé au milieu de la chaussée arrêter une voiture, elle, elle devait être loin maintenant, j’ai dit faut appeler les pompiers y’a quelqu’un qui est tombé à l’eau, ça été long nous n’avions pas de téléphone portable à l’époque.

Les pompiers ont tardé, puis le temps qu’ils trouvent l’endroit pour mettre leur canot à l’eau et faire une virée pour la forme sous la lune, Apolline était loin très loin, noyée, morte depuis longtemps, ils ont retrouvé son corps dans les roseaux trois kilomètres plus loin deux jours après.

La police m’a interrogé, je n’ai rien nié, j’ai tout raconté, il m’ont interrogé cinq fois, mon crâne rasé les agaçait, un policier m’a dit avec la gueule que tu as à l’âge que tu as tu aurais dû plonger si tu dis que tu ne l’as pas poussée.  J’ai répondu je ne sais pas nager. Il m’a dit je ne te crois pas. Il avait raison je sais nager et j’ai précisément appris à nager dans ce fleuve. Ils ont fini par me relâcher.

Je l’aime encore aujourd’hui c’est la seule femme que j’ai aimée. Elle n’avait qu’à pas reculer. Elle n’aurait pas dû me vexer.

                          µµµ

                        FIN

  • Le jeudi 3 octobre, le lundi 7 octobre 2013

Publié par

Phileus

Septuagénaire, aimant la course à pied, la lecture, l'écriture, la vie ...

Laisser un commentaire