Chapitre 31. Pauline de Maloiseau. La Little woman.Tiens la femme de Maloiseau parlons-en ..
La femme de Maloiseau était une petite femme brune qui ne payait pas de mine dont le physique était celui d’une vieille jeune fille comme si sa croissance semblait s’être arrêtée avec l’adolescence, ainsi elle était restée courte sur pattes, mais Maloiseau n’en avait eu conscience que bien après, bien plus tard, longtemps après que le mariage fut consommé. Pour autant ce bout de femme se croyait sinon belle du moins croyait offrir d’un physique avenant alors qu’elle n’était dotée que d’un corps taille M et ne mesurant qu’un mètre cinquante-deux d’où l’impression qu’elle donnait d’avoir une tête un peu disproportionnée au regard de ces jambes courtes et sans galbe au point que lorsque Maloiseau était de méchante humeur il voyait sa femme comme une little woman, une vilaine petite naine quoi ! Et le lui disait.
Maloiseau qui la voyait en leurs débuts comme une jeune femme qu’il pouvait aimer malgré ses cheveux de jais tirés en queue de cheval qui dégageait un front obtus, ses sourcils épais et charbonneux, son nez plongeant sur des lèvres ténues et pincées ne comprenait pas ce qui en définitive en elle l’avait attiré, et d’ailleurs ses proches d’alors, parents, tantes, cousines frère et amis n’avaient pas compris non plus et de manière plus ou moins explicite s’en étonnant l’en avait averti ou le lui avait signifié, mais on ne l’influencerait pas, il avait fait son choix cette femme lui plaisait ! ce n’était pas que Maloiseau fut beau, mais il n’était pas mal et n’avait pas à séduire alors qu’elle elle était moche de chez moche carrément moche …Certes le proverbe turc dit que toutes les femmes sont jolies lorsque les lumières sont éteintes, mais enfin il arrive qu’il fasse jour dans la vie.
Alors pourquoi s’emmanche t-on avec de telles créatures, les courtise t-on, les féconde t-on, et les enfants naissent et l’on finit par croire que l’on aime, que la vie est belle, que l’on s’est trompé oui mais il est trop tard, il faut y aller …
Donc Pauline était moche et ce qui souvent est connexe, avait une intelligente minimale, à des années-lumière d’un haut potentiel intellectuel, mais tout de même l’intelligence du commun des mortels, l’intelligence pratique, utilitaire convenant tout à fait l’éducation des enfants, à la tenue du foyer, l’intelligence premier prix mais qui permet à tout un chacun pour peu qu’il le veuille de mener sa yole sur le Yang-tsé-kiang de l’ existence.
Mais en ce qui concernait le haut registre du spectre là Pauline se surestimait et lorsqu’en société elle voulait paraître à niveau, et s’immiscer dans la conversation elle prenait soudain un air inspiré, gonflait la prunelle de ses yeux, ce qui accentuait sa bêtise, lui ajoutait une niaiserie que jusqu’alors on n’avait trop perçue, mais dont l’évidence affligeait douloureusement le coeur et l’ego de Maloiseau. Plus elle tenait à prouver ce qu’elle n’était pas plus son idiotie sautait aux yeux et confondait.
Elle avait un travail, honorable mais banal. Elle était auxiliaire de puériculture qu’elle transforma au fil des ans en puéricultrice. Auxiliaire c’était un peu l’équivalent non pas de la dame-pipi dans une gare ou au théâtre mais celui de technicienne de surface dans une entreprise. Elle disait avoir passé le concours d’infirmière en milieu psychiatrique mais prétendait qu’elle y avait renoncé et présenté sa démission. Maloiseau n’avait jamais trop cru à cette histoire. Bref elle changeait les couches-culottes des poupons, ce qui en soi n’est pas méprisable.
Pour autant elle était généreuse et dévouée, mais Maloiseau ne le lui disait pas, ne le lui dirait pas mais le reconnaissait en son for intérieur. Un jour il s’en était ouvert à son médecin traitant un jeune baba-cool adepte de l’hypnose qui lui avait dit il faut lui dire au moins que vous reconnaissez ce qu’elle fait … Maloiseau avait hoché la tête à la manière d’un adolescent que l’on morigène un peu, et avec lequel on conclut le conseil du sage donné pro forma en lui mettant une tape sur l’épaule…
Mais peut-être qu’alors, le couple que Maloiseau formait avec Pauline était-il considéré lui-même comme une couple de vieux zozos, ces papys boomers soixante-huitards du siècle passé.
Toujours est-il que Maloiseau à la vérité n’inspirait pas naturellement la sympathie. Pourtant estimait Maloiseau il ne me semble pas avoir une sale gueule, ni même être antipathique, et nous ne portons ni l’étoile jaune, ni la lettre écarlate de telle ou telle confrérie ou secte pestiférée. Même pas, encore du moins, l’odeur de boules de naphtaline dont d’ailleurs nous n’encombrons plus même nos vieilles armoires au point que je rage d’y perdre mes manteaux et chapeaux rongés par les mites.
Certes Pauline, mais c’est toujours Maloiseau qui le dit, ne suscitait pas elle non plus lorsque l’on la croisait un mouvement de sympathie spontanée, ni l’envie de l’embrasser sur les deux joues, quand en outre elle se dandinait sur le trottoir de sa petite marche rétive de vieille car c’était quand même une bonne petite vieille femme, dans ses veste et jupe noires de veuve sicilienne qu’elle semblait affectionner qui ne lui donnait aucun chic et qui au contraire l’enfonçait dans les vêtures des vieilles de l’ancien monde.
Elle se savait moche mais se prétendait encore quelque chose n’admettant pas qu’elle n’était plus qu’une grand-mère, qu’elle n’était plus que le clone de sa grand-mère et de sa mère.
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