Chapitre 33. Le mécano de la générale
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Au suivant !
Le suivant c’était le sexagénaire du bout de la rue, ancien bel homme aux postures suffisantes et à l’allure assez désinvolte, dont Maloiseau avait fait la connaissance par l’entremise de J de *** qui l’avait invité naguère en même temps que la bande à une randonnée cycliste comme ils en avaient l’habitude.
Au cours de cette virée de deux ou trois heures lui et Maloiseau qui ne se connaissaient que de vue avaient échangé quelques platitudes et notamment relatives à la hauteur de la selle puisque l’autre lui avait fait observer que la selle de son vélo n’était pas à la hauteur requise.
Lui ne pouvait faire que du vélo mais pas de footing suite d’après ce qu’avait cru comprendre Maloiseau, il ne savait plus trop, à des opérations du genou ou de la hanche.
Mais c’est ensuite que leurs relations se dégradèrent sachant qu’ils n’en n’avaient jamais eues hormis ces croisement de cheminements sur les trottoirs du quartier. Aux lendemains de ces randonnées Maloiseau le croisant l’autre, le même ne le reconnut pas, c’est à dire qu’il feignit de ne point le reconnaître !
Maloiseau avait déjà esquissé un sourire et faillit lui dire spontanément bonjour l’autre le devina bien mais fila le regard ailleurs.
Non mais ! Quelques jours après même trottoir même scénario, Maloiseau le voyant venir l’accrocha de loin, à la manière d’un hypnotiseur pour l’amener prunelle contre prunelle à lui décrocher un bonjour. L’autre qui n’était pas un imbécile mais qui n’entendait pas céder à cette injonction visuelle et mentale, arrivé à sa hauteur ne broncha pas, ne cilla pas et continua imperturbable.
Que lui-ai-je fait, encore un qui me juge sur mes signes extérieurs de richesse délabrée, ou sur mon faciès de vieux con – il rit – qui me jalouse – il haussa les épaules – pauvre monde … Dans le civil ce type semblait avoir été dans la mécanique mais quelle mécanique peut-être dans la mécanique auto ce qui expliquait alors qu’il sortît très souvent avec componction une jaguar grise qu’il aimait exiber dans le quartier.
Il sortait sa jaguar tel le paon sortant sa roue.
Pour Maloiseau l’incident n’était pas clos. Il irait au front.
L’occasion lui en fut donné à quelques jours de là. Une nouvelle fois Maloiseau qui avait l’attention aiguisée par ses stratégies en gestation le vit arriver. Il s’avança vers lui qui parut ne pas le voir, mais là, Maloiseau le devançant dans un franc-sourire amusé et cordial sans trop aller à la provocation lui lança un bonjour tonique qui le désarçonna et qui lui répondit bonjour, bonjour l’effleurant à peine du regard mais continuant de filer sans demander son reste…
… ça mon vieux se fâcha Maloiseau cette fois vexé tu ne me le joueras pas cent fois. Ton sort est scellé. Maloiseau nota toutefois que l’adversaire serait coriace. Et que ce serait une autre paire de manches que celles de la vieille dame et du vieux pope.
Ce mec là – Maloiseau aimait adapter son langage aux situations et aux profils et user d’un parler apache de temps à autre – ce mec là était à prendre par sa paire de couilles, bien qu’à cet âge la prise fût plus difficile les couilles en question n’étant plus qu’un pendentif pathétique, une excroissance de chair piteuse. Tu prends le morceau à la base, à pleine poigne, tu tournes, tu tords comme si tu essorais une serpillière et crois-moi ça te fait hurler et virer de l’oeil.
Mais Maloiseau se ravisa. La paire de couilles il se la réservait pour l’arabe du Quinze qui en outre était peut-être juif, mais qu’importait juif musulman ou autre Maloiseau n’était ni raciste, ni antisémite – lui n’était-il pas blanc et catholique – même s’il tenait à leur encontre quelques griefs qu’il ne sait toujours pas expliquer. Mais force était de reconnaître que ces types là ils avaient quelque chose, quelque chose de glauque, de pas sain. Mais si c’était son point de vue ce n’était pas le sujet, son sujet à lui c’était la défense de la République.
Maloiseau l’avait vu lui aussi débagouler avec la vieille dame poupée barbie plus d’une fois sur le trottoir, peut-être l’un et l’autre habitaient-ils dans la même résidence au bout de la rue.
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