Chapitre 20. Les sueurs froides de Maloiseau, un monstre
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Quand Maloiseau eût établi sa liste, la parcourant encore, il prit conscience qu’il avait non plus sous les yeux les noms manuscrits des personnes, mais les individus eux-mêmes, vivants, là, présents en chair et en os, ceux que tôt ou tard, demain ou après-demain, plutôt après demain, il se promettait de liquider physiquement, c’est à dire qu’il allait tuer, oui tuer, il épela tuer, t-u-e-r avec ce que ce mot, avec ce que cet acte signifiait en terme de réalités barbares lors du passage à l’acte, coups, brutalités, hurlements, sang, agonies des corps choqués, des visages exorbités, déchirés, brisés, éclatés.
C’est alors que Maloiseau eut des sueurs. Ce n’était plus lui, il s’échappait, c’était un grand malade, peut-être même un monstre, il le devenait mais ne voulait pas se l’affirmer. Il n’avait pas même l’alibi de la drogue, car sa drogue à lui c’était cette shit qui résultait maintenant de ses ressassements que pétrissaient infatigablement en continu ses neurones, ce sexe qui le possédait. Oui il était possédé.
Possédé, monstre, qu’est-ce que l’un qu’est-ce que l’autre …
Enfin il l’aurait concédé volontiers, il se shootait trop aux séries violentes de Netflix qui narraient notamment les difficiles retours à la vie civile des guerres, d’Afghanistan, d’Irak, de Libye et d’ailleurs. Il convenait qu’il devrait s’en sevrer.
Ainsi tous les membres de cette communauté de papier qu’avait créée Maloiseau étaient selon ses critères, éligibles à la solution finale . Certes Maloiseau n’aimait pas beaucoup la référence à cet acte d’une barbarie impensable qu’il réprouvait parce qu’il n’avait rien contre les juifs, et pourquoi aurait-il eu quelque chose contre les juifs, communs des mortels qui comme chacun d’entre eux avait un même coeur, la même couleur de sang, potentiellement sujets aux mêmes maux de tête, aux mêmes dérangements intestinaux, si ce n’est que quand même ils avaient crucifié un illuminé, mais que pour autant l’autre foldingue à moustaches n’avait pas à passer au four.
Maloiseau n’avait pas la moustache et n’envisageait pas de passer au four ses cibles, quoique … mais n’en était-il pas moins lui aussi une espèce de foldingue, c’est à dire un grand, un très grand malade. Lui, Maloiseau allait expérimenter une justice plus humaine, plus juste, au moyen de méthodes plus primitives, plus rudimentaires, plus significatives, c’est à dire plus dissuasives, plus expéditives, c’est à dire potentiellement, éventuellement barbares .
Il les fantasmait déjà.
Il empalerait les uns sur un pieu, brûlerait les autres sur un bûcher flamboyant, ou les écartelant les soumettant au supplice de la roue sur une place de grève devant la foule rassemblée, avide, voyeuse, en en rôtissant d’autres traversés par la broche qu’il ferait tourner lui-même. Il y en aurait des garrotés, des pendus à un gibet au carrefour de chemins sous l’oeil indifférent du Christ crucifié sur sa croix en granit. .
Pauvre malade, tu délires, l’on devrait t’hospitaliser d’office lui soufflait une voix. Peut-être, après tout ! opinait Maloiseau, mais qu’y puis-je Je suis une force qui va agent aveugle et sourd de mystères funèbres, une âme de malheur faite avec des ténèbres, mais je me sens poussé d’un souffle impétueux d’un destin insensé, je descends, je descends et jamais ne m’arrête …
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A Suivre
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